Nous sommes souvent approchés par des actionnaires des petites entreprises concernant le sujet brulant « La Décision Salaire – Dividende ». Comme vous le savez notre système d’imposition est basé sur l’intégration. Dans un monde idéal, un actionnaire est supposé de gagner le même revenu après l’impôt soit en gagnant un revenu de dividende, soit un salaire. J’utilise expressément le terme « dans un monde idéal » parce que l’intégration ne fonctionne plus depuis 2017.

La réponse à la question, si on verse un dividende ou un salaire, avant 2017, peut-être, était le choix de dividende. Depuis on s’aligne de plus en plus vers le salaire.

Qu’est-ce qui est changé?

Premièrement; au Québec, on a modifié les critères d’admissibilité à la déduction pour petite entreprise (DPE) après le 31 décembre 2016. Si une société a le nombre d’heures rémunérées des employés égal ou supérieur à 5 500 heures, la société aura droit à la DPE. Le taux de la DPE est réduit de façon linéaire lorsque le nombre d’heures rémunérées des employés est inférieur à 5 500 mais supérieur à 5 000. Cette mesure vise à éviter qu’une société perde la totalité de sa DPE en raison d’un écart minime avec le nombre d’heures requis1. Si le nombre d’heures est inférieur à 5 000 heures, le taux de la DPE sera perdu. Donc en 2016 le taux d’imposition pour une petite entreprise activement exploitée au taux combiné, fédéral et provincial, était de 18,5% peu importe les heures rémunérées. Le taux de dividende ordinaire était de 43,84% au taux maximum. En 2017, après les modifications à l’accès au petit taux, le taux d’impôt pour une petite entreprise au taux combiné, fédéral et provincial, était encore de 18,5%, mais on avait maintenant un nouveau taux de 22,3% pour la société qui avait accès à la DPE au fédéral, mais pas au Québec.

Deuxièmement; depuis 2018 Québec baisse le taux d’impôt pour petites entreprises. Bien évidemment pour arriver à la quasi intégration, quand on baisse le taux de la société il faut augmenter le taux du dividende. Le facteur de majoration de dividende et le crédit d’impôt relatif a un tel dividende fonctionnent en sorte que les deux atteignent l’intégration. Le Québec a diminué l’accès au crédit d’impôt pour le dividende. Rappelons-nous les taux :

Taux/Année 2017 2018 2019 2020 2021
DPE 18,50% 17,00% 15,00% 14,00% 13,00%
Sans 5500 heures 22,30% 21,70% 20,60% 20,50% 20,50%
Dividende ordinaire 43,84% 44,83% 46,25% 47,14% 48,02%
Crédit de dividende 17,08% 16,31% 14,58% 13,80% 13,04%

Troisièmement; le gouvernement fédéral a annoncé les changements législatifs concernant le revenu passif dans les sociétés privées activement exploitées en 2017 et a modifié la loi en juin 2018. À partir de l’année 2019 si le revenu passif gagné dans une année fiscale dépasse le seuil de 50 000$, il va réduire la limite de DPE pour l’année fiscale subséquente. 1$ de revenu passif va réduire 5$ de DPE, par conséquent une société qui a un revenu actif net de 500 000$ va perdre son accès au petit taux si son revenu de placement est de 150 000$, donc en 2020 son revenu actif sera imposé au taux général, qui est de 26,50%, 12,50% de plus! Si le revenu passif comme dans l’exemple montre que le plafond des affaires diminuera, il sera plus avantageux de déclarer un salaire pour réduire le revenu net de la société.

Enfin; il faut considérer la limitation du fractionnement de revenu entre les membres de la famille. Verser un dividende à son conjoint ou à son enfant est permis sous certaines conditions après 2018. Sinon le dividende sera imposé au taux maximum marginal.

Regardons à quelques exemples:

Supposons qu’une société gagne 500 000$ de revenu en 2019, 2020 et 2021. Examinons pour chaque année l’impôt total à payer dans le cas d’un dividende ou d’un salaire, nous assumons que le contribuable est assujetti au taux maximum marginal d’impôt:

Année 2019 2020 2021
Dividend Salary Dividend Salary Dividend Salary
Revenu Net de Société 500.000 0,00 500.000 0,00 500.000 0,00
Impôt de société 75.000 0,00 70.000 0,00 65.000 0,00
Dividende / salaire versé 425.000 500.000 430.000 500.000 435.000 500.000
Impôt personnel 196.562,50 266.550 202.702 266.550 208.887 266.550
Revenu Net 228.437,50 233.450 227.298 233.450 226.113 233.450
Impôt total 271.562,50 266.550 272.702 266.550 273.887 266.550

Ci-dessus est un exemple de calcul pure mathématique. Imaginez, si la société gagne un revenu qui est imposé au taux plus haut que le taux pour la petite entreprise, la réponse à la question devient encore plus évidente.

D’autres considérations pour faire le choix salaire vs. dividende :

Il faut aussi prendre en considération les cotisations à faire en cas de choix du salaire, tel que Fonds des services de santé (1,65% minimum pour une PME autre que du secteur primaire et manufacturier), Régime de Rentes du Québec (11.8%, maximum 6 292,80$), Régime québécois d’assurance parentale (689,23$)2.

La décision devrait se baser, entre autres, sur les avantages d’avoir une pension à la retraite, la cotisation au REÉR, la possibilité de créer un régime de retraite individuel (RRI), avoir un compte de dividendes en capital (CDC), la présence de l’IMRTD en société. Il ne faut pas oublier que l’objectif est de couvrir le coup de vie avec une optimisation fiscale. Il est certain que le choix de dividende est plus facile à gérer car il n’y a pas de retenue à la source; aussi les placements dans la société ne font pas partie du patrimoine familial, car lors d’un divorce vous devez partager votre REÉR, votre RRI ainsi que la rente RRQ.

À la lumière de tous ses changements de taux d’impôt de société et de particulier, les règles sur le revenu passif il est évident que le choix de salaire gagne plus en plus de terrain depuis 2018.

1 Revenu Québec

2 Pour l’année 2020